La kératose séborrhéique est une tumeur épithéliale bénigne et fréquente, d’étiologie inconnue et d’évolution chronique. Sa coexistence avec d’autres tumeurs cutanées bénignes ou malignes voire sa transformation maligne ont été rapportées. Cependant, la transformation bowénoïde reste exceptionnelle, d’où l’intérêt de notre observation.

Un homme de 45 ans, sans antécédents pathologiques notables, consultait pour une lésion pigmentée hypogastrique apparue 10 ans plus tôt et ayant augmenté progressivement de taille. L’examen objectivait une plaque triangulaire de 2,5cm de grand axe, hétérochrome, bien limitée et légèrement infiltrée. L’examen dermsocopique montrait une bordure nette et mordillée, un aspect cérébriforme et des fissures par endroits avec un aspect en empreinte digitale par d’autres. Le reste de l’examen somatique était normal. L’aspect clinique et dermoscopique était très évocateur de kératose séborrhéique. L’examen histologique confirmait cette hypothèse en objectivant un aspect de kératose séborrhéique pigmentée mais avec des atypies bowénoïdes focales. Une exérèse totale de la lésion a été faite et une surveillance a été préconisée. Une absence de récidive après un recul de 6 mois a été notée (Annexe A).

La kératose séborrhéique est une tumeur épithéliale bénigne et fréquente, d’étiologie inconnue et d’évolution chronique. Elle peut coexister avec d’autres tumeurs cutanées bénignes ou malignes, formant ce qu’on appelle des tumeurs de collision. Sa transformation maligne a été également rapportée. Cependant, il est difficile de savoir avec certitude si l’association de la tumeur maligne et de la kératose séborrhéique est accidentelle ou si la seconde est un précurseur de la première. En effet, selon une étude iranienne ayant colligé 429 patients porteurs de kératoses séborrhéiques, seules 5 (1,2 %) étaient associées à une maladie de Bowen. Sur le plan histologique, la kératose séborrhéique et la maladie de Bowen peuvent présenter des caractéristiques communes et leur distinction devient alors difficile. Selon une étude indienne, un panel de marqueurs comprenant CK10, Ki-67 et p16 semble utile pour les différencier. Enfin, l’infection par HPV a été incriminée par certains auteurs dans la transformation bowénoïde de la kératose séborrhéique, mais cette hypothèse reste à confirmer.

En général, bien que la transformation maligne d’une kératose séborrhéique vers une maladie de Bowen semble être exceptionnelle, on doit toujours la garder à l’esprit. Par conséquent, l’examen histopathologique de toute kératose séborrhéique doit être envisagé lorsque cette dernière présente une localisation ou des manifestations cliniques atypiques.